Ils
demeurentdes modèles accomplis d'urbanisme : oeuvre d'enthousiaste
émullation autant que de sage administration, à
laquelle collaborèrent les architectes et sculpteurs
Pugets, Toro, Fossé, Pavillon, Rambot, Chastel, Les peintres
Finsonius, Daret, Vanloo, Fauchier, Cellony, Arnulphy et ce
d'André Bardon qui décora une salle publique de
musique dans la ville de Campra.
Mais
si Aix ne fournit guère que Campra et , plus tard, Félicien
David à l'histoire de la musique, de l'activité
de combien de lettres ne déborde-t-elle pas ! Venus dans
le sillage du gouverneur, Malserbe, du Vair, Mme de Sévigné
parent le paysage intellectuel Aixois d'une douceur d'Ile de
France. Mai les noms provençaux du poète Bellaud
et la Bllaudière, fondateur, au XVIe siècle, de
la première Renaissance de la poésie d'Oc, des
dramaturges Brueys, Zerbin, Jean de Cabannes, de l'humaniste
Peyresc, du maitre de l'Université Gassendi, des philosophes
Vauvenargues et d'Argens, du bibliophile Méjanes, fondateur,
en 1786, de la célèbre bibliothèque du
Pays de Provence, de l'istorien Mignet, disent le culte aixois
des lettres resté intact pendant des siècles.
Constantin, Granet, Loubon y continuent, dans la première
moitié du XIXe siècle la haute tradition de la
peinture aixoisse. Les sciences n'y florissent pas moins avec
les botanistes Adanson, Tournefort ; ni la jurisprudence avec
Siméon et Portais ; ni même l'éroïsme
avec le Chevalier de Forbin, le Marquis de Vabelle, le Bailli
de Suffren, l'Amiral d'Entrecasteaux.
La
Révolution, en supprimant les provinces et en amoindrissant
considérablement le rôle d'Aix, lui permit cependant
de jeter un vif éclat grâce à la fougue
de son député à la Constituante, Mirabeau.
Son adversaire, l'Assesseur à la Constituante, Mirabeau.
Son adversaire, l'Assesseur Pascalais, cependant, s'illustrait
héroïquement en défendant jusqu'au martyre
les privilèges provençaux. Mais les temps de la
puissance politique étaient sans doute clos. Désormais,
c'est par sa seule tradition de foyer d'Art et de poésie,
née de la beauté de son ciel autant que du goût
de ses habitants pour les nobles activités, que l'Athènes
du Midi étend sur la Provence sa royauté spirituelle.
C'est
la ville de tous les maintenances du pays, intellectuelles,
artistiques, religieuses, populaires. Et il n'est pas jusqu'à
sa tradition de grands « jeux» annuels, établie
par le Roi René avec son fameux cortège de la
Fête-Dieu, réjouissance mi-chrétienne,
mi-payenne des Aixois pendant des siècles, qui ne s'y
perpétue sous l'aspect, plus moderne, du Carnaval aixois,
rival de celui de Nice...
Capitale
administrative déchue, Aix a accru, peut-être,
son prestige culturel. Ses musées ont accueilli et rendu
accessibles les plus prestigieux témoignages de son opulence
passée. Son Université est des plus prospères,
quis'illustrant d'avoir enseigné le jeune poète
maillannais qui entandait en lui chanter les strophes de Mireille,
appelle les jeunes élites intellectuelles françaises
et étrangères à venir se former dans un
cadre et parmi des paysages qui constituent, par eux-mêmes
déjà, une haute leçon de mesure classique.
Surtout, pour l'«honnête homme», le lettré,
l'amateur d'art, de quelque pays qu'il vienne, Aix (oùse
tint en 1854, sous le nom de Roumavàgi dei troubaire,
l'Assemblée devenue légendaire des poètes
provencaux. d'où sortit le Felibrige) reste
la capitale d'un pays que la voix de Mistral a rendu synonyme
de poésie et de fidélité à la plus
haute tradition d'humanisme vivant. Et elle reste aussi, sous
le signal hallucinant du Mont Sainte-Victoire, la ville de Cézanne,
dont les chefs-d'oeuvre ont rendu famillières, de Boston
à Tokio, les arrêtés des collines, la candeur
pulpeuse du ciel, la beauté de la terre aixoise... Peu
de destins, ouverts sous le signe des baitailles, se prolongent
vers d'aussi harmonieux horisons. |